TRAÇABILITÉ EN ÉTHIOPIE, RETOURS DU TERRAIN
Notre projet relatif à la traçabilité en Ethiopie ayant pris fin le 30 avril 2024, le Coordinateur Traçabilité de Walter Matter en Ethiopie, Binyam Temesgen, a fait part de ses réflexions depuis le terrain au sujet de cette initiative de 18 mois dédiée à la traçabilité du premier kilomètre dans la très fragmentée chaîne d’approvisionnement de café éthiopienne.
Mené par Walter Matter et S.A. Bagersh, avec le soutien de la Direction du Développement et de la Coopération (DDC), le projet a pris place dans la région de Sidama pour assister 3 stations de lavage dans l’implantation d’un système digital de traçabilité du café vert.
La traçabilité du premier kilomètre représente un défi en raison de la grande fragmentation de la chaîne d’approvisionnement et le nombre élevé de petits exploitants. Comment avez-vous identifié la meilleure approche pour ce projet pilote ?
Nous avons commencé par mener une enquête préliminaire avec tous les intervenants de chaîne de valeur (agriculteurs, collecteurs, stations de lavage) pour évaluer la situation et assurer une compréhension solide des capacités existantes. L’enquête nous a permis d’identifier les attentes et les préoccupations, de définir les priorités, d’évaluer les systèmes disponibles et enfin de concevoir une stratégie de traçabilité appropriée ainsi qu’un plan de mise en œuvre avec des objectifs, rôles et responsabilités clairement définis.
Vous avez été en première ligne dans la conduite de ce projet. A votre avis, quel a été le plus grand défi dans sa mise en œuvre ? Comment l’avez-vous surmonté ?
L’un des plus grands défis a été de sensibiliser à l’importance de la traçabilité, en particulier à l’échelle locale. De nombreux producteurs et collecteurs ne comprenaient pas pourquoi nous tenions des registres durant les achats; ils craignaient également que cela ne génère un travail supplémentaire non rémunéré. Ces facteurs combinés les amenaient parfois à perdre de l’intérêt pour un enregistrement précis des données. Avec le soutien des stations de lavage et des autorités gouvernementales, nous nous sommes tenus à démontrer que la méthodologie de tenue de registres utilisée jusqu’alors présentait des lacunes et posait des risques importants pour toute la chaîne de valeur. Des notes manuscrites illisibles, des informations incomplètes ou des retards dus aux formats papier pouvaient, à terme, entraîner une restriction d’accès au marché international.
Nous avons également dû faire face à des infrastructures peu fiables, compliquant la mise en œuvre du projet. Les réseaux d’électricité, de téléphonie et d’Internet étaient parfois indisponibles, et les routes situées dans des zones à topographie difficile parfois impraticables après de fortes pluies, ont considérablement contraint l’avancement quotidien du projet et ont parfois limité la participation des bénéficiaires du projet aux sessions de formation.
Enfin, de nombreuses communautés en dehors de notre zone cible ont exprimé leur désir de participer au projet. Il était difficile de décider qui inclure et, par conséquent, qui exclure. Nous avons dû clarifier le périmètre du projet et rappeler à chacun qu’il s’agissait d’un pilote avec des ressources limitées.
Malgré des conditions difficiles, vous êtes parvenus à déployer un système digital de traçabilité. Quelle solution a été utilisée ? Comment avez-vous fait face aux compétences limitées en informatique et à la faible disponibilité du matériel tel que des smartphones ou des ordinateurs ?
Notre modèle de traçabilité est basé sur une solution gratuite et open-source appelée KoboToolbox, qui permet la collecte de données à la fois en ligne et hors ligne, et qui ne nécessite qu’un smartphone ou un ordinateur. Les données peuvent être converties au format tableur, ce qui facilite le partage et la gestion. Ce modèle est facilement reproductible et peu coûteux. Le plus grand défi a été de former les participants, dont la connaissance des outils numériques était limitée. Par conséquent, ils ont été soutenus tout au long du projet par nos assistants de terrain.
18 mois plus tard, quels retours avez-vous reçus des agriculteurs et des stations de lavage ?
A l’issue du projet, nous avons collecté les retours de toutes les parties prenantes, soit les agriculteurs, les collecteurs, les stations de lavage et les autorités gouvernementales. Un large majorité a exprimé une grande satisfaction à l’égard du soutien reçu et des résultats encourageants en matière de traçabilité.
Les autorités gouvernementales, pour leur part, ont annoncé qu’elles avaient appris tout ce qui était nécessaire à l’élargissement de ces pratiques à d’autres stations de lavage et communautés d’agriculteurs.
Au-delà de la mise en place d’un système de traçabilité fiable, chaque agriculteur participant au projet a reçu environ 150 plants de café, 30 arbres d’ombrage pour réduire les besoins en irrigation et 20 avocatiers pour diversifier leurs revenus. Des formations supplémentaires ont également été dispensées sur l’élagage, la sélection du site, la préparation des terres et le contrôle des parasites et des maladies.
Nous tenons à exprimer nos remerciements les plus sincères à tous les participants à cette initiative : les agriculteurs qui nous ont fait confiance et ont participé activement pour permettre ce changement, les stations de lavage qui ont joué un rôle crucial dans la qualité et l’exhaustivité de la collecte des données, les autorités locales dont le rôle facilitateur a été essentiel, et enfin, l’Agence suisse pour le développement et la coopération, pour avoir rendu ce projet pilote possible dès le départ.
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